Lekolo 2 : cité maudite ou terre promise ?

« Camp de concentration », déplorent les détracteurs. « Une ville moderne sortie de terre pour une vie meilleure », soutient la Compagnie minière de l’Ogooué (COMILOG) qui a investi 19 milliards de FCFA pour transformer une savane en cité baptisée Lekolo 2.

Bienvenue au cœur du plus vaste projet de relogement jamais réalisé au Gabon qui combine cependant contestation, colère et espoir d’un mieux être.

De la gare routière de Moanda en direction de Franceville, Lekolo 2 attire forcément les regards. La nouvelle cité se dresse à la sortie de *la ville minière*. A sa gauche, le mont Bangombé est visible, toujours verdoyant malgré plusieurs décennies d’exploitation de manganèse. Sur la droite, une route en pavée spécialement aménagée conduit vers Lekolo 2, ce nouveau prolongement de Moanda, petite ville minière dont la réputation et la prospérité dépendent des performances liees à l’exploitation du minerai de manganèse par la COMILOG , filiale du groupe français Eramet.

La Cité se dresse sur un plateau à environ 500 m de la route principale. Le cadre est magnifique. Les couleurs des maisons (bleu, jaune, gris et autres) tapent à l’œil. L’alignement des bâtisses également. Rien à voir avec le désordre urbain du quartier Leyima d’où partiront les futurs résidants de Lekolo 2.

Leyima, c’est ce quartier situé sur les bordures du mont Bangombé, terrain dont COMILOG dit détenir un permis minier attribué en 1953 par l’Etat gabonais dans le cadre de la prospection et l’exploitation du manganèse. La zone était interdite de construction mais les populations s’y sont installées sans autorisation.

Dans la perspective de la mise en valeur des réserves de manganèse enfuit sous les maisons du quartier Leyima, la compagnie a décidé de reloger les riverains dans la nouvelle Cité dite Lekolo 2.

A ce jour, toutes les maisons de la nouvelle Cité sont quasiment prêtes à accueillir leurs occupants. Et pourtant la cité est encore vide.

Contestation

Un collectif bat campagne contre la nouvelle Cité. Pour ce collectif appuyé par des activistes très présents sur les réseaux sociaux, pas question d’intégrer cette Cité aux maisons semblables à un cachot et ils ne tarissent pas d’arguments. Pour eux, la COMILOG, auteur du projet s’est moquée des populations en construisant des maisons en béton armé dont certaines ressemblent à des pigeonniers. Le cas des logements de type F1 est souvent évoqué à souhait pour noircir davantage le tableau de la nouvelle Cité.

L’accès à l’eau et à l’électricité pose encore problème et les services communs de base n’y sont pas encore totalement réalisés : marché, centre de santé, écoles et espaces verts, etc. Du pain béni pour les détracteurs.

Environ 3000 âmes sont attendues dans la Cité Lekolo 2 qui totalise 417 maisons.

Bonne foi

Le staff dirigeant de la COMILOG ne comprend pas les raisons de ce qu’il qualifie de «mauvais procès ».

Dans la cité, les maisons sont en effet hiérarchisées. Du côté gauche dès l’entrée, une série de logements de type F1 c’est-à-dire un studio dit américain avec douche, coin cuisine et terrasse.
Steeve Wilson Pwaty, Responsable RSE (Responsabilité sociétale et environnementale) de l’entreprise explique que ces logements seront affectés aux personnes dont la valeur de l’habitation actuelle est de 300 000 FCFA, selon une évaluation faite par un cabinet indépendant. Ces personnes quitteront les logements précaires du style « tôles en haut tôles en bas » pour une maison en dur avec toutes les commodités, précise M. Pwaty qui connait la cité comme sa poche.

Plus loin, des maisons de type F2, F3, F4, F5 et F6. « Cette catégorisation tient compte de l’investissement antérieur du futur relogé« , soutient M. Pwaty.

Sur la partie droite à l’entrée de la cité, les premiers occupants s’activent à aménager. Rosabelle Kengue, commerçante a fini de poser les grilles de sécurité sur les ouvertures extérieures. Plusieurs ouvriers aménagent le décor intérieur pour adapter la résidence à son goût.
« J’ai hâte d’intégrer ma maison », dit cette commerçante qui a investi, il y a près de 2 décennies, l’essentiel de ses revenus dans la construction d’une maison de 5 chambres au quartier Leyima. A Lekolo 2, elle a également bénéficié d’un logement de 5 chambres.

« C’est parfait car en plus j’ai désormais un titre foncier. Ce que je n’avais pas à Leyima », se réjouit elle.
En plus d’un nouveau logement, Rosabelle Kengue soutient avoir reçu de l’argent liquide en guise de dédommagement de ses arbres fruitiers et d’autres biens. Pour elle, Lekolo 2 n’est pas une cité maudite. C’est plutôt sa « terre promise ».

Normes

COMILOG soutient n’avoir rien inventé. L’entreprise a engagé le bureau d’études INSUCO recommandé par la banque mondiale pour l’accompagner dans le processus d’identification et de réinstallation des populations impactées par son projet d’exploitation du manganèse, situé sur les bordures de mont Bangombe.

Les constructions monolithiques en béton, contestées à Moanda, sont calquées sur un modèle courant en Espagne, selon Leod Paul Batolo, Administrateur Directeur général de la COMILOG. Ce modèle a permis d’accélérer la construction des 417 maisons qui offriront, selon lui, des conditions de vie agréables aux futurs occupants. Pas assez de chaleur et très résistant aux chocs …

Fils de la localité, Batolo est convaincu que Lekolo 2 n’est pas la cité maudite décrite par ses détracteurs, mais plutôt une nouvelle ville du futur car son aménagement n’est pas entièrement terminé.

D’autres infrastructures naîtront dans la Cité grâce aux financements de la RSE. COMILOG et l’Etat gabonais ont convenu de reverser 20% des taxes perçues par l’Etat dans un compte dans un compte destiné à financer directement des projets sociaux pour impacter positivement les populations riveraines de l’exploitation du manganèse. COMILOG verse en plus 2% de son bénéfice dans le même compte dit RSE. Les revenus de ce compte permettent de transformer progressivement le visage de Moanda et certainement de Lekolo 2.

« Des espaces sont réservés et disponibles pour un marché et autres aires de jeu… », soutient Steeve Wilson Pwaty, montrant par ailleurs un mini château d’eau capable de fournir l’eau aux habitants de la Cité durant 8 heures après une coupure d’eau du service public d’adduction d’eau.

Yves Laurent GOMA

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